Certains
pensent que tu es une espèce de mémé à chats. Pourtant tu n’es pas une
mémé, et en plus tu n’aimes pas uniquement les chats ? Quels animaux
fréquentes-tu au quotidien ?
Bonjour !
J’aimais les animaux « vaguement » mais je n’avais pas eu trop
l’occasion d’en connaître avant d’adopter mon premier chat, en 2011.
Puis j’en ai eu d’autres, et en voyant qu’ils étaient tous très
différents, chacun unique, j’ai commencé à observer d’autres espèces
d’animaux, et j’ai compris enfin qu’ils sont tous différents eux aussi,
individuellement, comme nous. En ce moment, je regarde souvent les
oiseaux du jardin, les mésanges (charbonnières, bleues, à longue queue)
qui viennent chez nous. Les merles, les rouges-gorges, les troglodytes
mignons, les accenteurs mouchets, et en été le rouge-queue tête noire.
Dans l’arbre du voisin, les tourterelles font un nid assez
régulièrement. J’ai vu un pic épeiche, des geais et des bergeronnettes
près de chez nous, et je vois souvent le vol des étourneaux mais
j’aimerais bien voir des martins pêcheurs un jour. Ils ont l’air trop
beau, je n’en ai jamais vu. Vous savez que je ne sais pas quel est le
nom de ces oiseaux en coréen. C’est parce que j’ai appris tout ça en
France, c’est-à-dire, très récemment.
J’aime bien aussi les insectes de notre tout petit potager, et les verres de terre, et... et… tous les animaux !
Les protagonistes du Club des Chats dans le tome 1 :
Choupi, Nounours et Plume
Quand tu étais enfant, y avait-il aussi des animaux autour de toi ?
Quand
j’étais petite, avoir un animal de compagnie n’était pas très courant
en Corée. C’était un peu « un truc occidental » pour nous. Mais ma tante
avait adopté un chien, un « pug » qui s’appelait « Bonkus ». J’avais
dix ans et elle nous le laissait en pension de temps en temps, pour les
vacances. Il était adorable. Je l’aimais beaucoup, il nous aimait aussi.
C’est le modèle de « Bongo » le chien millionnaire sympa dans ma série
du «
Club des chats ».
Extrait du Club des Chats T.3 (à paraître en 2020)
Tu es coréenne du Sud et tu vis en France. En quelle langue écris-tu tes histoires ?
Depuis «
L’Aventure de L’Homme-Chien »
(éditions Misma, 2013), j’écris directement en français. C’est parce
qu’il n’y avait plus d’éditeur coréen pour publier mes livres à cette
époque. En fait, précisément, j’avais un éditeur coréen avant. Mais on
s’est fâchés à cause de ma première publication en France. Du coup,
c’était devenu difficile pour moi de trouver un autre éditeur coréen
tout en restant en France. Alors depuis ça je fais mes livres en
français (et je les traduis moi-même plus tard, quand des éditeurs
coréens décident qu’on peut les faire). Bien sûr on m’aide pour corriger
mon français, mais comme ce sont la plupart du temps des dialogues ou
des textes très courts, on ne change pas grand-chose. D’ailleurs mes
textes sont devenus plus courts et simples qu’avant, quand j’étais en
Corée. J’essaie de raconter l’histoire par les situations et les dessins
plus que par les textes. Et j’aime ce changement.
Petites difficultés d’écritures de Mimi,
dans Le Club des Chats casse la baraque.
Ce
trait rond, cet humour dans tes bandes dessinées... Cela correspond-il à
une sorte de tradition de bande dessinée coréenne ? Ou à des bandes
dessinées que tu aimais étant petite ? On a noté quelquefois qu’il y a
un rapport entre cet esprit et certaines bandes dessinées franco-belges,
en aimes-tu certaines ?
Quand j’étais petite,
c’est-à-dire dans les années 80s, il y avait beaucoup de bandes
dessinées coréennes pour enfant. J’étais lectrice d’une revue mensuelle
qui s’appelait « Bo Moul Seom » (« L’île aux trésors »). Dedans, il y
avait une série qui s’appelait « Dooly le Dinosaure », j’adorais ça.
Malheureusement, ça n’existe plus, je crois que ça s’est arrêté dans les
années 90. Mais il y a un mois environ, j’ai eu la chance de retrouver
quelques numéros de cette revue dans les réserves du Musée de la bande
dessinée à Angoulême, et j’ai pu relire quelques épisodes de Dooly. Et
j’ai été étonnée de voir que ça parle parfois des réfugiés politiques
etc. ! Je ne pense pas que je savais ce que voulaient dire ces mots à ce
moment-là, mais ça ne m’a pas dérangée pour aimer cette BD…!
Malheureusement, je n’arrive pas à trouver d’albums de Dolly en Corée.
Ça a eu un grand succès, il y avait même des films d’animation, mais
j’en trouve pas en album, dommage.
La bande dessinée franco-belge,
je ne la connaissais pas quand j’étais petite. Je l’ai découverte quand
je suis venue en France, notamment Astérix. Je pense que le côté un
peu… Le fait qu’à la fin, on soit tous contents, on mange tous ensemble,
et puis l’ambiance de village… Mon
Club ressemble à ce côté-là.
La fête au village dans Le Club des Chats casse la baraque.
Est-ce que Plume n’est pas le plus mignon ?
Heu…
Plume est extrêmement mignon mais Plume, Choupi et Nounours ont chacun
un charme fou bien à eux ! Votre question appelle les griffes de Choupi
ou risque de vous coûter une bouchée ôté à votre pull par les dents de
Nounours, là…
Qu’y a-t-il dans la tête de Choupi ?
Plein
de chose. Plein plein plein. Mais comme c’est une vraie savante, c’est
difficile à comprendre pour les gens normaux. Heureusement, elle est
généreuse et elle nous pardonne tout.
Est-ce la faute de Nounours s’il est costaud ?
Non…
Il est tout doux, tout mignon… Quand on rentre à la maison, Nounours ce
gros costaud, nous saute sur les épaules et nous roule autour de la
tête en ronronnant, parfois même en bavant, tellement il est content.
Même si c’est lourd et que les griffes piquent un peu quand il vous
escalade, qui pourrait lui dire STOP ?
Joie d’avoir un Club des Chats à la maison, dans le tome 1
Es-tu Marie ?
Marie
a un autre modèle. C’est une ancienne copine d’école, elle peint les
chats de façon très réaliste, et elle vend des toiles ou elle fabrique
des objets imprimés d’après ses images. Depuis quelques années elle vit
dans la campagne coréenne, c’est très paumé (il y a que des champs de
patates), avec 5 chats. Je suis allée chez elle fin 2012, à ce moment-là
je dessinais
Le Jardin de Mimi (éditions Misma, 2014). Elle
coupait du bois à la hache pour se chauffer, elle nous a raconté avoir
attrapé un nid de frelon avec une boîte à chaussures (heureusement, elle
est saine et sauve, ouf). Elle s’est mise à planter des arbres partout
autour de chez elle (même chez ses voisins, sur les terrains qu’ils
n’utilisaient pas !) pour sauver la planète. En voyant cette fille
sauvage, avec mon copain on s’est dit : il faut mettre ce personnage
dans ma BD. Alors on lui a demandé et elle était OK. Voilà comment Marie
a débarqué dans
Le Jardin de Mimi, et puis elle est restée pour
Le Club des Chats !
Par contre Plume, Choupi et Nounours c’est mes chats, pas les siens, attention, hein, faut pas confondre !
Marie, reine de la débrouille, dans Le Club des Chats T1.
Une
chose qui frappe dès qu’on ouvre Le Club des Chats et certains de tes
autres livres, ce sont ces couleurs si vives à l’aquarelle. Elles te
viennent d’où ?
On dirait pas mais j’ai fait les
Beaux-arts ! Ha ha. Bon, c’était plutôt du « graphic design », mais
avant d’entrer aux Beaux-arts on doit passer plusieurs examens de
dessins en Corée. Pour me préparer à ça j’ai appris l’aquarelle. À ce
moment-là je pensais pas que ça me servirait, ni que j’y prendrais
plaisir, mais finalement oui !
Les Beaux-Arts, dans En Corée.
Tu fais parfois de la peinture ? Cela t’intéresse ?
Oui.
Quand j’étais petite, je voulais devenir peintre, mon héros était
Michel-Ange, parce que j’avais vu un documentaire sur lui. J’ai essayé
de peindre une ou deux toiles au collège mais après, j’ai complètement
arrêté. Et il y a peut-être deux ou trois ans, j’ai trouvé une toile et
cinq tubes d’acrylique, les couleurs primaires, en promotion au magasin.
Alors j’ai acheté ça et j’ai essayé de peindre, et ça a marché. J’ai
fait quelques toiles comme ça. J’ai peint des choses que je voyais, mon
jardin, la maison etc. Ça m’a fait regarder, observer des choses, la
lumière... Ça m’a beaucoup plu. Maintenant, j’essaie de peindre à
l’huile. Mais c’est assez compliqué… Je vais continuer quand même. Je
veux peindre des choses imaginaires aussi, mais je sais pas ce que ça va
devenir, on verra.
Le Club des Chats peint sur le vif
C’est assez curieux que tes livres chez Misma (à l’exception de En Corée et de Hong Kiltong) soient devenus une espèce de longue saga, qui était plutôt « pour adultes » au commencement (L’Aventure de l’Homme-Chien), et devienne de plus en plus « pour tous » avec le temps (Le Jardin de Mimi et les deux tomes du Club des Chats).
Oui,
L’Aventure de L’Homme-Chien
je l’ai commencé un peu au hasard. Je n’ai pas décidé l’histoire en
avance, c’était improvisé, chapitre après chapitre. Après, j’ai repris
quelques personnages de
L’Homme-Chien dans
Le Jardin de Mimi,
et j’ai compris que ça pouvait aussi plaire aux enfants. Mais peut-être
à cause du format un peu petit, les parents hésitaient à prendre ce
deuxième livre pour leurs enfants. Du coup, pour
Le Club des Chats,
on a agrandi le format et j’ai fait un peu attention pour les enfants,
c’est-à-dire que je ne mettais pas trop de gros mots. Après la parution
du 1er tome du
Club, j’ai eu quelques réactions d’enfants, des
lettres (j’en ai eues du Québec !) Ça m’a beaucoup plu. Souvent les
enfants lisent plusieurs fois les livres et les personnages vivent dans
leur tête après la lecture. C’est vraiment très chouette. Du coup, je
fais plus attention aux enfants mais je n’oublie pas bien sûr les
lecteurs adultes.
Monsieur Kim alias L’Homme-Chien reprend du service dans le Club des Chats...
N’est-ce pas trop dur quand on est une mémé à chats de travailler avec de jeunes chiens fous comme Misma ?
Oui…
Mais vous savez, les chats sont souvent plus forts que les chiens… On
maitrise la situation ! (Je rigole…) J’ai déjà raconté dans En Corée ma
première rencontre avec Misma mais je vous le raconte encore une fois,
ça s’est passé à peu près comme ça : j’avais donc quelques problèmes
avec mes éditeurs précédents et je voulais cette fois des gens qui
soient SYMPAS pour le livre que j’étais en train de terminer (
L’Aventure de L’Homme-Chien).
Alors j’ai demandé presque en pleurant au dessinateur Nylso s’il
connaissait un éditeur sympa et il m’a répondu Misma. Voilà, je suis
allée les voir, et depuis on a fait 6 albums ensemble. S’ils n’étaient
pas sympas ça n’aurait pas été possible.
Parfois
tu as l’air de dire que, les bandes dessinées que tu fais aujourd’hui,
tu ne les aurais pas aimées quand tu avais 20 ans, quand tu étais
peut-être une «dure-à-cuire»... C’est en rapport avec quoi ? Quelle
Yoon-sun avait raison : l’ancienne ou la nouvelle ?
Comme
je dis souvent, j’ai TOUJOURS raison… ! Ha ha bref. Quand j’avais 20
ans, ou quand j’étais ado, je cherchais surtout des choses sombres, mais
c’est souvent comme ça, non ? Je détestais plein de choses, je n’osais
pas aimer quoi que soit… Mais j’avais besoin d’une période comme ça, je
pense.
Un critique de BD anti mignon, dans Le Club des Chats T1.
La série du «Club» va-t-elle continuer ? Ce sera la même chose ? Autre chose ?
VOUIII !
Je suis presque à la fin du tome 3 ! Il y aura plus de fantastique et
d’aventures que dans les deux tomes précédents. J’aimerais bien
continuer cette série, puisque mes chats continuent à m’inspirer.
Peut-être que pour le quatrième j’essaierai de faire une histoire
longue.
Y a-t-il d’autres événements de prévus autour du «Club» ?
VVOUIIII !
Pendant l’été 2020, au moment de « Partir en livre », il y aura une
grande expo à L’Alpha la médiathèque d’Angoulême, autour du
Club des Chats et aussi des
Aventures de Hong Kiltong.
On va faire des ateliers de dessin et même un concert dessiné avec une
musicienne qui joue du clavecin et de la viole de gambe, qui s’appelle
Judicaëlle Giraudeau-Bureau, la classe !! Et comment a-t-on trouvé cette
musicienne ? Facile, c’est la maman de deux de mes lecteurs !
Le Club des Chats casse la baraque ou casse les oreilles ?
As-tu d’autres projets « Hors Club » ?
Je prépare un autre album pour de plus jeunes lecteurs que ceux du
Club. Cette fois-ci, il y aura un chien qui s’appelle BOUBOU, mais l’univers ne sera pas si éloigné du
Club des chats parce qu’il y aura aussi trois enfants, une fille et deux garçons, qui ressemblent assez fort aux chats du
Club (un petit timide, un costaud et une, heu, un peu fofolle). Ça paraîtra aux éditions Biscoto.
C’est un peu dommage qu’on ait peu entendu parler d’un livre que tu as fait avec Thomas Gosselin et qui s’appelle L’Espacée (édité par Vide-Cocagne). Pas trop dur de travailler avec un tel manieur de langue quand on est coréenne ? Aimes-tu cet album ?
Oui,
j’aime bien ! C’est vrai que T. Gosselin écrit d’une façon qui n’est
pas très facile pour moi, et en fait, c’est un peu pour ça que je lui ai
proposé cette collaboration : parce que je voulais enfin pouvoir lire
un de ses livres, vu qu’on s’entend bien et que je voulais savoir de
quoi ça parlait, mais c’était difficile !... Mais pour ce livre-là, il a
fait attention à moi, je crois, puisque j’ai tout compris ce qu’il m’a
écrit !! Il m’a donné un morceau de scénario, et je lui ai fait un
story-board ; il a continué, et comme ça on a continué et terminé ce
livre. Et je me suis bien amusée en le dessinant ! Je pense que ça se
voit.
Je vais vous montrer comment j’écris quand
personne ne corrige mon français : SLDKQOFHO ZBISDKJGLK
S&&&ODR OP<SGJM§§§DIOSJOIJ////…DLJGPSIDJI SDRJGI§¨DSLJ
L….. Ah biainteau lai zamys ! Mairsssi de Mabouar Luuu ! GreaubisOurs !
Chien ou chat ?... Dans L’Espacée, avec Thomas Gosselin
(Novembre 2019)